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UN NOUVEAU RAPPEL À L’ORDRE POUR RADIO FRANCE LIÉ A LA PROHIBITION DE LA DIFFUSION DE PUBLICITÉS COMMERCIALES SUR SES ANTENNES

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Article publié le 30 novembre 2015 par AMELIE PEUQUET sur le site de l’IREDIC, reproduit ici avec l’aimable autorisation de l’auteur. A noter qu’hier une nouvelle condamnation a sanctionné Radio France pour concurrence déloyale.

Ce n’est pas la première fois que le groupe Radio France est accusé de ne pas respecter les règles relatives à la diffusion de spots publicitaires sur son antenne et inscrites sur son cahier des charges. En effet, la radio publique ne peut pas diffuser des publicités commerciales mais des publicités collectives et d’intérêt général.

Il convient de rappeler que Radio France a fait récemment l’objet de difficultés financières assez considérables, affichant un déficit dans le budget 2015 à hauteur de 21,3 millions d’euros et provoquant ainsi une longue grève au sein du groupe de la part des syndicats qui craignaient un plan économique visant des réductions d’effectifs. Cette situation n’a pas manqué de mettre en balance la place de Mathieu Gallet, l’actuel PDG du groupe Radio France depuis 2014. Cette condamnation intervient au moment où Mathieu Gallet souhaite un élargissement des publicités autorisées sur ses antennes et ainsi accroître ses recettes.

Un cahier des charges strict mis en place par le CSA

Radio France est un groupe détenu par l’Etat français créé le 1er janvier 1975 qui comprend sept stations de radio publiques en France métropolitaine : France Inter, France Info, France Bleu, France Culture, France Musique, FIP et Le Mouv’. Les deux missions principales du groupe sont la radio et la production musicale, dans un objectif culturel.
Ainsi, d’après l’article 44, 3° de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, Radio France « valorise le patrimoine et la création artistique, notamment grâce aux formations musicales dont elle assure la gestion et le développement ».
Pour accomplir ces missions, un cahier des missions et des charges est fixé par décret. C’est l’article 48 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoit les contours de ce cahier des charges et les obligations qui y sont insérées et liées « à leur mission éducative, culturelle et sociale, à la lutte contre les discriminations par le biais d’une programmation reflétant la diversité de la société française ».

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) transmet chaque année le rapport annuel sur l’exécution du cahier des charges aux commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le Gouvernement saisit le CSA pour avis des dispositions des cahiers des charges.
Ce cahier des charges précise également les modalités de programmation des émissions publicitaires en prévoyant la part maximale de publicité autorisée.
Le cahier des missions et des charges de Radio France a été fixé par un décret du 13 novembre 1987 et sa dernière modification date d’un décret du 1er juin 2006. Parmi les obligations relatives à la publicité, l’article 32 du cahier des charges énonce que Radio France est « autorisée à programmer et à faire diffuser des messages de publicité collective et d’intérêt général. L’objet, le contenu et les modalités de programmation de ces messages sont soumis au contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel ».

Il faut entendre par publicité collective et d’intérêt général une publicité pour « certains produits ou services présentés sous leur appellation générique, la publicité en faveur de certaines causes d’intérêt général, la publicité effectuée par des organismes publics ou parapublics, ainsi que les campagnes d’information des administrations présentées sous forme de messages de type publicitaire » selon l’article 33 du cahier des charges.

En effet, Radio France peut diffuser par exemple des publicités relatives à des mutuelles, des fondations ou encore des groupes publics. De plus, la publicité doit être « conçue dans le respect des intérêts des consommateurs » et elle ne doit pas « exploiter l’inexpérience ou la crédulité des enfants et des adolescents ». Concernant sa durée, en moyenne, « les messages publicitaires sont diffusés dans la limite de trente minutes par jour sur l’année ».
Ainsi, les obligations et les dispositions relatives à la publicité contenues dans le cahier des charges de Radio France sont strictement énoncées et contrôlées par le CSA et imposent leur respect par le groupe.
Pourtant cela n’a pas empêché le groupe Radio France de ne pas respecter le cahier des charges et d’être condamné.

Une concurrence déloyale vis-à-vis des radios privées

Après plusieurs mises en garde de la part du CSA, le groupe Radio France a été condamné par le Tribunal de commerce de Paris le 6 octobre 2015 pour la diffusion sur ses antennes de publicités commerciales non autorisées par son cahier des charges.
Il semblerait que le groupe ait une lecture un peu trop extensive de son cahier des charges. En effet, le groupe aurait diffusé des publicités de marques d’électroménager Seb ou encore l’opticien Krys qui ne constituent pas une publicité collective pour le tribunal. Celui-ci a jugé que « l’ensemble de ces noms de marques prohibés représente plus du quart des recettes publicitaires annuelles du groupe Radio France ».

Quoi qu’il en soit, en violation du cahier des charges, Radio France devra verser une somme de 20 000 euros de dommages et intérêts à chacun des trois syndicats de radios privées que sont le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti), le Syndicat des radiodiffuseurs nationaux (SRN) et le Syndicat des radios généralistes privées (SRGP). Ces trois syndicats avaient basé leur plainte sur la concurrence déloyale de la part de Radio France. D’ailleurs, le tribunal reconnaît que ces manquements sont constitutifs de concurrence déloyale : « Radio France, en diffusant de manière répétée des publicités hors du domaine autorisé par son Cahier des missions et des charges, a commis des actes de concurrence déloyale au détriment des membres du SIRTI, du SRN et du SRGP ».
Satisfaites de ce jugement, les radios privées ont déclaré « qu’il serait incompréhensible que le gouvernement assouplisse les règles définies par le cahier des missions et des charges de Radio France » et comptent bien mener d’autres actions au titre de la concurrence déloyale si le gouvernement décide d’autoriser Radio France à diffuser des publicités non autorisées par leur cahier des charges.

Ce non-respect de la part de Radio France est manifestement devenu un problème récurent. En effet, en 2004, le groupe avait été mis en garde par le CSA pour la diffusion de publicités en faveur de CIC Assurances-Serenis entre autres. En 2012, c’est France Bleu qui a été mis en garde pour avoir diffusé une publicité pour Carrefour puis mis en demeure pour une publicité pour Leclerc. En même temps, France Bleu était mis en garde pour des annonces concernant Vinci Autoroutes et La Poste Mobile.
Pourtant ces publicités constituent un atout considérable pour le groupe car elles représentent plus du quart de leurs recettes annuelles. Suite à cette décision, le groupe a fait savoir qu’il allait faire appel et a indiqué « qu’il ne partageait pas l’interprétation faite par le tribunal du champ des annonceurs et de la nature des campagnes autorisées par son cahier des charges ». Le groupe envisage une stratégie d’élargissement de la publicité autorisée sur ses antennes et conquérir de nouveaux annonceurs qui « ont un rôle public, comme Air France, La Poste ou la SNCF » afin d’augmenter ses recettes.
Une stratégie qui ne passe pas inaperçue auprès de la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, qui ne se montre pas forcément hostile à une telle éventualité.

Un projet d’extension de la publicité sur les stations du service public contesté

Une consultation publique sur la modification du régime publicitaire et de parrainage applicable à Radio France a été mise en ligne le 9 octobre dernier par la ministre de la Culture, Fleur Pellerin.
Ce qui n’a pas manqué de créer un tollé du côté des radios privées qui se sont empressées de réagir par rapport à cette consultation. En effet, les dirigeants de radios privées, RTL, Lagardère, le Bureau de la Radio ou encore le syndicat des radios indépendants, le Sirti, ont publié une lettre à l’encontre de la ministre de la Culture pour protester contre une éventuelle augmentation du volume de diffusion des publicités sur les stations du service public.

En mai dernier, Fleur Pellerin avait déjà fait entendre qu’elle souhaitait assouplir les règles très strictes qui encadrent la diffusion des publicités sur les stations du groupe Radio France, mais sans augmenter le volume publicitaire. Elle avait déclaré alors « Ce que j’ai souhaité faire, c’est sécuriser les recettes de Radio France et faire en sorte que d’autres secteurs que le secteur mutualiste puissent accéder (aux antennes de Radio France, ndlr) ».

Les radios privées se sentent menacées par cette éventuelle modification car elles sont dépendantes des publicités qui demeurent la source de leurs recettes. A ce propos, Fleur Pellerin a tenu à rajouter que les publicités qui seront plus variées seront totalement limitées en durée. Elle a ainsi déclaré « Ce qui fait l’identité du service public, c’est qu’il n’y a pas de longs tunnels de publicités le matin et je pense que les Français qui écoutent le service public radiophonique y sont très attachés. Donc moi, ce que je dis, c’est que je régularise la situation juridique en autorisant d’autres secteurs à faire de la publicité sur Radio France mais sans augmenter les volumes. Ce sera à volume constant ».

Cependant, le projet prévoit la suppression de la limite de temps publicitaire de trente minutes par jour. Ce qui inquiète les radios privées qui considèrent cela comme « une déstabilisation grave des marchés publicitaires locaux et nationaux ». Le groupe Radio France étant en difficulté financière, il cherche de nouveaux annonceurs et ne souhaite plus être contraint à la publicité collective et d’intérêt général.
Considérant que cela ne va pas en faveur radios privées puisque cette suppression de la limite de temps publicitaire représente un risque pour celles-ci qui pressentent une augmentation constante des temps de publicité sur la radio publique dans les années à venir.

Auquel cas, Radio France pourrait devenir un sérieux concurrent pour les radios privées.

AMELIE PEUQUET

SOURCES :

ANONYME, « Publicités sur ses antennes : Condamnée pour concurrence déloyale, Radio France va faire appel », ozap.com, mis en ligne le 7 octobre 2015, consulté le 25 novembre 2015, <http://www.ozap.com/actu/publicites-sur-ses-antennes-condamnee-pour-concurrence-deloyale-radio-france-va-faire-appel/479446>

CSA, « Décret portant approbation du cahier des missions et des charges de Radio France », csa.fr, consulté le 25 novembre 2015, <http://www.csa.fr/index.php/Radio/Les-stations-de-radio/Les-radios-FM/Decret-portant-approbation-du-cahier-des-missions-et-des-charges-de-Radio-France>

DASSONVILLE (A.), « Pub à Radio France : vous prenez combien de spots avec votre café ? », telerama.fr, mis en ligne le 12 octobre 2015, consulté le 25 novembre 2015, <http://www.telerama.fr/radio/pub-a-radio-france-vous-prenez-combien-de-spots-avec-votre-cafe,132561.php>

HENNI (J.), « Publicité : Radio France accusé de ne pas respecter les règles », bfmbusiness.bfmtv.com, mis en ligne le 12 février 2015, consulté le 25 novembre 2015, <http://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/publicite-radio-france-accuse-de-ne-pas-respecter-les-regles-862788.html>

MADELAINE (N.), « Extension de la pub sur Radio France : les stations privées s’insurgent », lesechos.fr, mis en ligne le 12 novembre 2015, consulté le 25 novembre 2015,<http://www.lesechos.fr/journal20151112/lec2_high_tech_et_medias/021468091141-extension-de-la-pub-sur-radio-france-les-stations-privees-sinsurgent-1174375.php>